Hommage à Fatima Hamouda, la mère de Djino qui vient de nous quitter !

Elle vient de nous quitter. C'est une femme- Courage, C'est une femme- Combat, c'est une femme - Persévérance.

Elle s'appelait Madame veuve Tounsi Fatima, née Hammoudi.Au village, elle était connue sous le patronyme de Fatima Hemouda. Elle tire sa révérence à l'âge de 81 ans. Elle était une femme aimée, très respectée, sage et discrète.




Image rare où figure Djamel Tounsi et Matoub Lounes. C'était à l'occasion de la mort de son cousin Mohand Tounsi lors d'un accrochage avec un groupe terroriste le 11 mars 1995. Mohand n'avait aussique 26 ans 

Sa vie était un long combat. Elle avait résisté à tant de tempêtes de ce bas monde.

N.B: Le village Ait Said qui est également le chef lieu de la commune de Mizrana est situé à 5 km au sud de la ville de Tigzirt Tizi Ouzou en Kabylie

J'ai eu à la connaitre, particulièrement lors d'une des plus douloureuses épreuves qui l'a touchée de plein fouet. En effet, son plus jeune enfant qui s'appelait Djamel est assassiné le 1er avril 2002, lors d'affrontements entre manifestants et les forces spéciales de la gendarmerie - GIR - à Tigzirt.

Djamel, connu communément sous le pseudonyme de Djino, n'avait que 26 ans. Seule une mère peut ressentir l'ampleur de la douleur de perdre son enfant, tué injustement par des force de répression et d'ennemis de la liberté, de la vraie identité et de la démocratie. Djino était la 114e victime, d'une longue liste de jeunes tombés lors de ces terribles événements du Printemps Noir en Kabylie.

Bien avant et pendant tout le long de sa vie, cette femme admirable et imposant le respect, avait fait face à trois de ses enfants malades. Des cas d'handicapés, qu'elle avait affronté, qu'elle avait pris en charge avec dignité et leur avait offert beaucoup d'amour et de protection.
Il y a quelques années, je l'ai rencontré à Tigzirt, accompagnant l'un de ses enfants pour des consultations.

- Comment vas-tu Na Fatima
- Je n'en peux plus mon fils. je n'en peux plus! (faisant référence au poids de vie qu'elle supportait dans tout ce chaos du destin.)
- Patience Na Fatima. Tout le monde observe, témoigne et admire ton courage, ta force, ta dignité, ta sagesse, ton esprit de responsabilité. Tout le monde est témoin et Dieu t'admire. Ce sont ces sacrifices, ces épreuves qui t'ouvriront grandiosement Les Portes du Paradis!
- Merci mon fils, tes mots réchauffent le cœur, tu es un brave garçon .



Plaque commémorative sur le tombeau de Djamel, le plus jeune des enfants de la défunte tué en 2002
La famille de son époux est connue sous le pseudonyme de Lagana. Ce n'est pas un surnom péjoratif. Lagana était l'entrepreneur français, d'origine italienne je pense, qui a réalisé la RN72, la route nationale reliant Tigzirt à Tizi Ouzou et traversant le mont d'en face du village, communément appelé Agumadh.

Bien avant, cette femme à l'instar de la plupart du village et de la région, elle a eu à subir les affres de la Guerre d'Algérie. Leur foyer était un exemple de lutte. Dans son entourage, l'on compte des héros entre autre, Tounsi connu sous le nom de guerre de Bazooka. Puis, il y a son frère Mohand, un combattant durant la Guerre d'Algérie, puis il était parmi ceux ayant repris le maquis lors de la Guerre du FFS de 1963 à 1965. Il était parmi les martyrs de cette terrible guerre, de cette résistance de dignité face à des imposteurs qui ont confisqué l'indépendance entre les mains des vrais libérateurs. Cette guerre avait provoqué la mort de plus de 400 personnes. Rien que dans le village Ait Said, l'on compte 4 martyrs : Mohand Hammoudi dit Moh Ouamar Hamouda , Abdelmoumene, dit Degaul, Agueni dit Hend Moh Ouamar et Bourahma, dit Moh Said Moh N 'Amar. Ils étaient tous de vrais héros, des martyrs de la liberté, de la dignité et de l'Algérie, en dépit de la reconnaissance de l'Etat qui tarde à venir.

La vie de Na Fatima est un parcours de combattante. Elle était tout au long, exposée aux quatre vents des épreuves, mais elle avait toujours gardé haut sa dignité, son abnégation et elle était toujours Une Femme - debout. C'était une femme admirée, consultée. Elle était un exemple, l'une des références dans sa famille, son quartier et dans tout le village.

Na Fatima, n'a pas eu uniquement que des choses malheureuses. Elle avait élevé ses enfants et les  a propulsé vers la réussite. Son aîné est devenu médecin urgentiste, puis psychiatre et exerce dans de prestigieux hôpitaux de Paris.

En cette douloureuse circonstance, ces instants d'Adieux, on ne peut que s'incliner devant la mémoire de cette femme kabyle, qui inspire courage, dignité et persévérance. Elle va rejoindre en toute dignité, la longue liste des gens de sa famille, de son village et d'autres qui l'ont précédé vers cette fin inéluctable.

A Dieu nous appartenons à Dieu nous retournons
Felas Ya3fu Rebbi !

Une pensée à toutes les mères qui ne sont plus de ce monde !
M.H  



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