Entretien avec Rabah Hachemani: "Les associations peuvent apporter beaucoup de choses à notre village"


Mayache Infos: Pouvez-vous se présenter à nos lecteurs

Rabah Hachemani: Je suis né en 1950, 3e garçon d'une famille qui en comportera au final 8 garçons et 4 filles.

Je suis allé à l'école de Tala-Mayache en 1956 en pleine guerre d'Algérie. D'ailleurs, l'école a été transformé en camp militaire et c'étaient souvent des militaires qui nous apprenaient à lire et écrire quand tout était calme.



Mon enfance a été fortement marquée par cette période. Mon père qui était maçon a été emprisonné à partir de 1960.

En 1962, à l'indépendance, j'ai repris l'école avec d'abord un mois, pendant les vacances d'été, d'école coranique où j'ai appris l'alphabet arabe et les sourates.

A l'époque je ne connaissais aucun mot d'arabe.

Mayache Infos: Vous étiez un élève du célèbre lycée technique de Dellys. c'était un établissement de renommée avec une haute qualité d'études, mais également, selon différents témoignages, les premiers mouvements de revendication identitaire berbère ont eu lieu dans cet établissement. Pouvez-vous nous évoquer ces souvenirs ?

Rabah Hachemani: Nous étions 6 élèves à réussir l'examen de passage en 6e année avec Malika Arabi, Azzouz Mohand, etc... J'ai passé toute ma scolarité moyenne et secondaire à LTE de Dellys en tant qu'interne (6 ans). Les études étaient assez dures mais très sérieuses et très qualifiantes. En ce qui concerne la vie culturelle, on se bousculait pour une place au cinéma et on se passait les bandes dessinées. On commençait a apprendre l'alphabet Tifinagh en cachette puisque partout on nous interdisait de parler kabyle.

Mayache Infos:Vous étiez parmi les premiers bacheliers de l'Algérie indépendante. Comment était la suite de votre parcours d'études et professionnel ?

Rabah Hachemani: En 1971 je suis parti à Oran pour poursuivre des études d'ingénieur d'application en Electronique et Télécommunications (ITTE aujourd'hui INTTIC). En 1975 j'ai été retenu à la même école pour y enseigner vus certains avantages (prime + logement). Je me suis marié avec une femme du bled en 1977. En septembre1982 j'ai été en France (à Lille) pour faire un doctorant en Automatique et informatique industrielle. Je suis revenu début 1987 pour continuer l'enseignement des télécommunications et de l'informatique dans la même école INTTIC Oran. 



Mayache Infos: Vous êtes un habitants d'Ait Said, un village dynamique de près de 4000 habitants, mais également un village très impliqué dans l'histoire ancienne et récente. Comment pouvez-vous nous présenter votre village et quel est l'image que vous avez de lui ?

Rabah Hachemani: Malgré l'éloignement, je suis toujours venu passer mes vacances d'été (2 mois par année) au bled, pour la famille mais aussi pour mes enfants (4 garçons et une fille). Je me suis toujours senti un enfant du bled. Pour moi, Oran est une ville où je suis en mission pour le travail seulement (comme tous nos immigrés).

Mayache Infos:Malgré que vous vivez en Algérie, vous êtes installé à l'Ouest du pays, loin de la Kabylie. Quel sentiment avez-vous, en vivant loin de la localité et de la région qui vous a vu naître ?
Rabah Hachemani:. Les grandes villes comme Oran sont des agglomérations qui comportent des citoyens issus de toutes les wilayas du pays. Oran comporte beaucoup de citoyens originaires de la Kabylie.

Mayache Infos:Que signifie pour vous le lieu ou le site dit Taburt Mhend U Hend ?

Rabah Hachemani: Taburt n Mhend u hend est un lieu de regroupement pour les 3 villages constituant Ait Said, à savoir Tarsift, Akhendouk, Icharaiwen (chaque village se compose de plusieurs localités ou groupes). Chez nous beaucoup de lieux sont vénérés (assasen ou gardiens des lieux) par nos ancêtres. De nos jours, beaucoup de croyances et coutumes on été perdues ou abandonnées.

Mayache Infos: Pour aller plus vers l'avant, qu'elles sont les idées, les suggestions que vous souhaitez présenter aux responsables et aux différents groupes actifs au village et dans la région?

Rabah Hachemani: Comme partout, ceux sont les associations très actives qui peuvent changer quelque chose et créer une atmosphère de vie saine (sociale et solidarité, culturelle, historique, touristique, écologique, religieuse, etc..). La société d'hier basé sur le village a été détruite, la société d'aujourd'hui est en construction avec d'autres modèles modernes mais peine à se mettre en place pour une meilleur vie en communauté. Ait Said devient de plus en plus une ville comme tant d'autres où les gens ne connaissent même pas leur voisin de palier.

Mayache Infos:Quel est votre message aux habitants du village Ait Said, de la région et de tous les lecteurs de Mayache Infos ?

Rabah Hachemani: Notre région est pauvre et a beaucoup souffert (à voir le nombre de nos immigrés, à l'intérieur et à l'extérieur du pays). Mais pour moi c'est une très belle région qui mérite notre attachement. Je demande aux jeunes de prendre en charge leur destin pour le développement de cette région.

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