
Mayache Infos: Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de Mayache Infos ?
Rachid Hamoudi: Je suis né en 1963, un peu moins d’une année, après le cessez- le feu. J’ai fait un parcours d’études classiques, (BEM, BAC lettres) avant de s’inscrire en Sciences politiques à l’université d’Alger. Un peu par ambition mais aussi pour fuir l’arabisation de la filière, j’ai rejoint le 2 Novembre 1982, au lendemain même de l’assassinat de Kamel Amzal à la cité de Ben Aknoun , l’école nationale d’administration ou les études étaient un mix de sciences juridiques et économiques. Après l’obtention du diplôme en 1986, J’ai travaillé une année dans la wilaya d’El Bayadh au service financier. Mais le journalisme, comme beaucoup d’énarques d’ailleurs, m’attirait depuis longtemps. A vrai dire, j’avais un pied dedans, dés le milieu des années 80.
Mayache Infos: Vous êtes le premier journaliste du village, parmi les premiers dans toute la région. Pouvez-vous nous relater votre parcours ?
Rachid Hamoudi: Même s’il n’a pas vécu à Ait Said , je considère qu’Arezki Boutrahi est tout de même plus ancien. Tout jeune , je ne manquais pas de lire ses reportages de globe- trotter sur El Moudjahid et pour la petite histoire , c’est chez Arezki , qui ne manquais jamais de faire une halte estivale à Tigzirt , que j’ai appris le mot farniente qui signifie une douce oisiveté. A vrai dire, bien avant d’intégrer ce milieu ou depuis j’ai fait beaucoup de journaux (El Watan Liberté, El Moudjahid, la Tribune, l’Avenir demain l’Algérie, El Haq) et depuis prés d’une vingtaine d’années Horizons j’écrivais surtout de l’extérieur. D’ailleurs, j’ai publié mon premier article en 1984 dans Algérie- Actualité sur les touaregs. J’étais alors en stage durant six mois à Tamanrasset et le titre était un peu poétique ( la caresse des étoiles). Suivront des écrits divers qui m’ont aidé ensuite à devenir journaliste au sein d’organes à partir de 1989.
Mayache Infos: Pouvez vous nous parler de votre enfance et votre jeunesse au village ?
Rachid Hamoudi: J’ai fréquenté l’école primaire jusqu’en 1975 dans un contexte de privations. On n’avait pas de cartables bien remplis mais une volonté et un désir d’apprendre. Le reste après, c’est une somme d’émotions au stade, à la rivière, le long de sentiers dans la foret, à travers les champs lors de fêtes. Des dizaines de pages ne suffiraient pas à rendre l’intensité.
Mayache Infos: Depuis, le village a t-il évolué ? Et dans quel sens ?
Rachid Hamoudi: J’ai écrit un texte, un peu romancé parce que j’intègre aussi Azroubar qui parle de ces évolutions qui évidemment rendent nostalgiques mais nullement passéistes. Le voici «Ait Saïd n’est pas encore une ville. Elle est certes devenue le siège d’une nouvelle commune. Une mairie et une brigade de gendarmerie ont surgi, la ou broutaient en toute liberté des troupeaux de chèvres. Jamais on n’a vu autant de drapeaux flotter. Des calicots célébrant des journées dont personne n’avait entendu parler font parfois leur apparition. A la place d’un caroubier ou les vieux aimaient se retrouver furent construits un collège et un centre de santé ou ’on assure juste les soins courants .La seule satisfaction est dans l’eau coulant des robinets du matin au soir. Les femmes ont répudié les gestes des lavandières. Pourquoi, essorer et rincer le linge devant la fontaine publique ou dans les eaux de la rivière ? Il ne viendrait plus à l’idée de l’étaler ensuite sur les buissons pour laisser pantalons et robes sécher au soleil. Ait Saïd a fini par ressembler à toutes les localités ou les habitants sont tiraillés entre les avantages visibles du progrès et un sentiment diffus de perte irrémédiable. Les vieux prévenaient déjà, sans être vraiment écoutés, que la vie n’aura bientôt plus le même gout. « Lorsque des gens venus d’on ne sait ou se mêleront de vos affaires, vous serez indifférents les uns aux autres. Dans le bonheur et le malheur, vous ne partagerez plus rien », répétait l’ un d’eux . Il trouvait déjà l’attitude de certains jeunes passant sans saluer les anciens scandaleuse. La plupart étaient des fils de fonctionnaires de la mairie, récemment mutés. On tolérait davantage les touristes qui étaient des étrangers et juste des passagers d’une saison. Eux se pressaient seulement devant le jet d’une fontaine antique avant de repartir après l’escalade d’un immense rocher. Le promontoire offrait une superbe vue sur la mer qui barrait l’horizon et dominait une multitude de villages. Un mur à moitié écroulé est tout ce qui reste d’un poste de vigie de l’armée française qui ne pouvait rêver durant la guerre d’un meilleur poste d’observation et de surveillance.
Mayache Infos: Selon vous, quelles sont les moyens qu'il faut pour soutenir le village et la région dans leurs évolutions ?
Rachid Hamoudi: Il faut d’abord se féliciter d’une sorte de réveil des jeunes qui prennent conscience de la valeur de tout ce qui a trait à l’hygiène public, au patrimoine immatériel. Je ne connais avec exactitude leurs moyens mais c’est une excellente chose que chacun de nous devra accompagner et soutenir.
Mayache Infos: L'organisation traditionnelle des villages en Kabylie, peut survivre toujours, ou il faudra inventer d'autre mécanisme tout en restant fidèles aux valeurs ancestrales ?
Rachid Hamoudi: C’est un sujet de thèse mais il est sur que la djemaa dont je conserve aussi beaucoup de souvenirs ne peut pas exister de la meme manière pour le simple fait que les besoins ont beaucoup changé. Que représente pour vous Tigzirt. Presque la même chose qu’Ait Said , peut être parce que j’y suis né et que ses ruelles , ses places , ses plages m’ont laissé , autant de souvenirs liés aussi collège, au marché et aux personnes. Beaucoup sont des personnes attachantes qui ne cesseront jamais de m’inspirer pour écrire.
Mayache Infos: Quelle idée avez-vous du massacre turc du 29 mai 1825 contre l'Arch des ath said ?
Rachid Hamoudi: Pas grand-chose à vrai dire, même si j’ai lu des livres qui au passage ont fait allusion à cet événement. J’ai entendu aussi, ca et la, quelques échos liés à la mémoire familiale et villageoise mais sans plus de détails. Je voudrais seulement dire que les historiens français sans rejeter tout ce qu’ils ont écrit avaient des visions et des visées. De ce fait, il faut prendre avec des pincettes ce qu’ils ont publié. Par ailleurs, sans cynisme aucun, ce n’est pas à partir d’un événement aussi tragique soit il qu’on peut déduire que les turcs étaient des colonisateurs. Tout Etat est capable de telles atrocités mais la colonisation recouvre un autre sens et à ce sujet je préfère parle d’abus et de présence pesante qui n’est en rien comparable avec une colonisation de peuplement.
Mayache Infos: Quelle image avez-vous de la guerre d'Algérie au village, dans la région et ailleurs en Algérie ? Comment échapper aux retombées d’une telle séquence ?
Rachid Hamoudi: Même si je suis né après, à travers les récits de proches, de villageois, beaucoup de lecture et de missions la ou se déroulés des événements fondateurs ( Soummam , prison du Coudiat à Constantine , Serkadji , les Aurés , l’Oranie ), m’ont fait prendre conscience de l’importance de cette période. D’une manière ou d ‘une autre , elle structure encore la mentalité algérienne , pour le meilleur et le pire.
Mayache Infos: Quelle idée avez-vous de la résistance du FFS entre 1963 et 1965 ?
Rachid Hamoudi: Du fait que mon père, dont je n’ai qu’un fugace souvenir perdit la vie quelques jours d’ailleurs avant la fin du conflit, je connais son déroulement et les mobiles de ceux qui ont mené ce mouvement. Longtemps, on en parlait peu, comme d’autres événements qui ont marqué l’Algérie post indépendante. Depuis les langues se sont déliées et évidemment je suis curieux de tout savoir « koul saghira wa Kabira » , comme on dit en Arabe.
Mayache Infos: quel est votre message aux jeunes du village et de la région ?
Rachid Hamoudi: Les encourager et les aider dans ce qui est va dans le bon sens. Le conseil que je me permettrai est de faire davantage attention aux effets néfastes de certains fléaux sociaux.
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